"- [...] L'habitude est une route qui conduit droit à l'indifférence. D'un autre côté...
- D'un autre côté ?
- Notre faculté à nous émerveiller est liée à notre état d'esprit plus qu'au renouvellement de ce qui s'offre à nos sens.
Il se tut.
- Alors ? le relança Ellana.
- Alors, je dirais qu'il est essentiel de ne jamais cesser de découvrir. En voyageant ou en restant immobile, en échangeant ou en se taisant, en réfléchissant ou en innovant."
Pierre Bottero, Ellana.
UN CHIEN IDEAL ?
Dans ma vie, j'ai accueilli il y a quelques mois un chiot. Un jeune chien, semblable à une page vierge où tout est à écrire. Quelque chose de facile, il suffisait d'écrire les lignes que je souhaitais lire plus tard.. Former le chien comme j'avais décidé que ça serait confortable pour moi. Le façonner, au fur et à mesure d'exercices et de répétitions, pour en faire la version parfaite de mon chien idéal.
Très rapidement, je suis tombée de haut ; ce petit chien ne prenait pas de friandises dans ma main, il ne voulait parfois pas s'approcher de moi, voire il avait même parfois peur. La frustration grandissait, je n'arrivais pas à le "rejoindre" là où il en était.
J'avais tellement en tête l'image de ce chien "idéal", et le plan à suivre pour l'y amener! Je savais quels exercices faire, comment les faire, et pourtant.. ça me marchait pas. Pourtant ça a l'air si facile, sur les vidéos des autres. Il suffit de faire comme ça, de récompenser ça et paf! Voilà, un chien idéal. Sauf que chez moi... rien n'a marché comme prévu. Je l'ai aimé et l'aime de tout mon coeur depuis le début, mais je vous mentirai si je vous disais que c'était une relation facile, que je n'ai jamais pleuré, crié ou culpabilisé. Il y a pourtant une chose que j'ai réalisé récemment, et qui a tout changé...
ET SI AU LIEU DE FAIRE, IL SUFFISAIT D'ÊTRE?
Pourtant, le jour de notre rencontre, tout était déjà là, toutes les réponses étaient contenues dans ce regard. Les promesses de cette relation ont transpercé toutes mes barrières mentales, pour me toucher dans le coeur, et j'ai su ce jour là, que c'était lui et pas un autre.
Il a suffi d'un regard dans les yeux, pour que tout se joue, sans aucun mot.
Nous avons souvent ces moments magiques lors de la première rencontre de nos animaux. Cet instant où on connecte à tout le potentiel de la relation.
Malheureusement, on oublie..
Moi j'ai oublié.
J'ai oublié que dans les relations, il était d'abord et avant tout question d'être avant de faire.
Alors j'ai pris mon mental, et j'ai essayé de calquer mon filtre de résultats sur cet être qui a pourtant ces spécificités et sa sensibilité propre.
J'ai oublié d'être, en faisant ces exercices, cette éducation. Mais ça ne marchait pas, parce que j'avais oublié d'être. J'étais dans ma tête au lieu de mon coeur...
J'ai oublié de le rejoindre là où il était lui, toute prise à l'endroit où je voulais l'emmener. Mais pourtant, "c'est pas le but qui compte, c'est le chemin".
LE MOMENT PRÉSENT, UN RETOUR À L'ÊTRE
Le déclic, il est revenu pendant une balade dite du "fil invisible", où nous devons nous connecter à notre chien dans le moment présent et récompenser chaque petite marque d'attention de lui vers nous, en se calquant à son énergie, et ce tout en se promenant.
Mon chien m'a fait plonger dans un nouveau monde : durant cette balade, il m'a réappris à prendre le temps... oublier ce qui est à faire et vivre ce qui doit être.
Pourtant, cela fait des années que je travaille cet apprentissage, mais cette fois on m'a envoyé un professeur très exigeant.
Un professeur qui se calque avec la perfection d'un miroir sur mes états émotionnels, souvent hauts, perturbés, en doute et en questions pour tout ce qui touche à la question de mon chien. Joie, enthousiasme, peurs, doutes, culpabilité, tout est exacerbé. Ma relation avec lui n'est pas calme. Et il se met au diapason de ce que je dégage. Son comportement est en accord avec ça ; il est excité, il court, il a du mal à se poser, il aboie...
Au fur et à mesure de la balade, la connexion se crée, et en pleine nature, la magie opère,
Il n'y a plus que moi et mon chien, dans cet espèce d'état hors du temps, relié par ce fil invisible. Je le sens, il me sent... Il se calme, il prend le temps de poser chaque pied, il renifle chaque odeur. A moins que ça ne soit moi qui ai ralenti pour admirer le paysage et mieux respirer?
Une joie calme m'apparaît ; je suis dans le moment présent.
Tout est paisible en moi, et en lui.
Je n'ai rien changé d'autre que mon état d'être, et pourtant, tout est différent. Mon chien est calme, tranquille, attentif. Au retour de notre balade, il dort.
D'habitude, il a besoin d'entre 30minutes à 1H pour se poser enfin. Ici, il est immédiatement couché sur mes pieds, et il dort profondément. Je partage encore cette connexion avec lui, au fur et à mesure que nos corps ralentissent.
C'est là que la compréhension de ce que j'ai vécu arrive.
Mon chien, par cette expérience, m'apprend que la relation se construit non pas sur des exercices/actions mais sur des façons d'être. C'est très subtil mais c'est fondamental. On ne peut pas faire l'impasse sur l'état d'être. Je le sais, je connais la théorie, je le vis au quotidien, mais à chaque fois, il me montre qu'on peut aller encore plus loin dans les subtilités.
Et tous comme avec les chevaux, je me rends compte que la relation se fait en marchant. Peut être que c'est la clé à toutes les relations? Entre nous et les animaux, mais aussi entre humains. Marcher ensemble. Au sens propre comme au sens figuré. Il y a tellement de choses qui se jouent en marchant à deux, tellement de dialogues qui se nouent au delà des mots, de lien qui se créé dans ces danses silencieuses et presqu'invisibles.
C'est la seule chose que je vous conseillerai, pour créer une relation avec quelqu'un, humain ou animal, allez marcher avec lui, en présence, et laissez faire.
ANIMAL MON BEAU MIROIR
En changeant mon état d'être, j'ai changé le comportement de mon chien en miroir, sans exercice à faire. Cela me frappe. Cela bouscule mes "protocoles" bien établis. Je comprends que ma rigidité d'attente de résultats m'a empêchée d'être en m'emprisonnant dans le mental, au lieu de juste être dans le moment présent et de me connecter à mon chien.
Et si c'était ça, le plus grand travail à faire en matière de comportement de nos animaux? Changer notre état de faire en état d'être? Ainsi, on permet à la relation de fluer d'une manière libre. Nous n'avons plus rien à changer, nous avons juste à être.
Essayez... Je crois que vous pourriez être surpris du résultat.
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